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Un peu de poésie et mes mouvements d'humeur

Un peu de poésie, des textes qui m'ont touché et mes mouvements d'humeur.

Une toute petite chanson

« Le logis, c’est le temple de la famille.

Il est permis d’y vouer toute sa ferveur, toutes les ferveurs. »

                                                                                  Le Corbusier

 

 

Une toute petite chanson

 

 

Un bungalow rêveur accroché au coteau, face à la forêt, en plein soleil, aux quatre vents, bien de chez nous : il a surgi du sol en ses pierres de schiste, il lui est fidèle en son toit bleu d’ardoises graves, en sa barrière de hêtre qui ferme le courtil.

Les beaux jours lui prodiguent des panerées de fleurs, l’âpre hivers ardennais lui livre, en grand arroi, de somptueux habits : capuche et houppelande.

Ces gestes lui prêtent une sorte d’âme, une âme changeante comme est la nôtre ; invisible aussi, mais présente et communicable.

Son nom ?

Il n’en a pas, ou, du moins, pas encore. On y pense parfois ensemble, mais rien n’est dit.

Son âge ?

Très jeune. Il n’a point de souvenir, mais l’espérance se promène en son jardin. Il est né, en somme, à la même saison qu’une mésange, une pie et un moineau des alentours. Ils l’ont vu grandir. Ils sont venus tant de fois s’ébaudir sur les charpentes nues. Ils chapardaient les restes des quignons perdus sur le chantier par les gais compagnons qui sifflaient des airs de carrousels.

 

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Un prime matin de janvier, lorsque les oiseaux s’éveillèrent, tout était blanc. Très affamés, ils devisèrent entre eux, longtemps, pour savoir de quoi ils pourraient déjeuner.

De quoi ? Rien à grappiller sur la terre et pas le moindre insecte ne se risque en ce froid. Une fringale atroce les tourmentait, quand ils remarquèrent, pour la première fois de son existence, le bungalow pimpant tout revêtu de neige.

« Ce décor lui sied bien, vraiment, déclara la mésange admirative.

  • On dirait qu’il a mis un chapeau à bavolet, constata la pie babillarde, un tantinet fringante.
  • Si nous allions le regarder de près…suggéra le pierrot, un brin effronté. »

Bah ! ce n’est pas du tout être effronté que de visiter gentiment un ami esseulé dans un jour rigoureux.

Ils partirent donc.

 

Voici que le seuil abrité par l’auvent, était plein de miettes dorées. Le moineau en

Goûta. La pie s’en gava. Ils convièrent la mésange, qui, plus honnête, un peu timide, quoique familière, n’osait, malgré sa faim, toucher à ce festin ; car, on avait prévu pour elle, spécialement, des languettes de lard d’une rare exquisité.

           

 

 

 

Le lendemain, les trois copains aux aguets dans la haie virent s’ouvrir la porte amène et choir une douce provende.

            « Cette demeure, elle un cœur ! s’exclama la mésange émue.

  • Je l’aime ajouta la pie pourtant pas très sentimentale.
  • Moi…moi…eh bien je l’adore ! lança le moineau spontané. »

 

Tant qu’il y eut sur les champs de la neige épandue, les hôtes coutumiers picorèrent

sur l’escalier. Dans l’espace jouxtant l’entrée, de leurs petites pattes gourdes, ils imprimèrent des étoiles, des mots à eux, capricieux, empreints de mystères. Secrets d’oiseaux.

 

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Doucement revint le printemps.

            Un peu de vert, un peu de bistre, un peu de teintes patinées par des frimas, remplaçaient les blancheurs frileuses.

            L’alouette, le pinson, la grive musicienne revenus tour à tour vocalisaient dans les buissons, dans les campagnes et même…

            Tiens ! On chante à l’école. SI fort, si éperdument que quelques notes bousculées s’échappent par la croisée large ouverte. Quelques-unes. Des aventurières. Un do avec un mi, un ré, un la et d’autres.

            Elles volettent depuis plusieurs jours dans l’espace. Il ne faut qu’une chiquenaude de moucheron pour qu’en des ricochets bizarres, elles s’égarent, trébuchent en des brindilles, se heurtent sottement aux meneaux des fenêtres.

            Folles comme des ballonnets de foire, au gré de la brise mutine, elles vont…elles ne savent où.

            Pendant ce temps, nos amis se concertent sérieusement. Fine, prévoyante, mésange propose :

            « Il nous faut, avant l’essor des floraisons, remercier le bungalow qui nous rendit vivables les heures de famine ? C’est simple courtoisie.

  • Oui, oui, oui.
  • Même, à mon avis, c’est urgent. Bientôt, chacun de nous reprendra sa besogne, construira son nid, couvera ses œufs. Nous serons dispersés et puis, nous oublierons ? Ce qui serait injuste.
  • Vilain !
  • Ingrat
  • Nous avons bien écrit des lettres sur le seuil, mais la maison n’a pas compris notre alphabet.
  • Si nous lui dédions une petite chanson ?
  • C’est un présent d’oiseau !
  • Une idée de cœur ! »

A cet instant précis, un do…

Disons aussi qu’à quelques pas de là, très affairée, une araignée tendait, entre deux tiges, un long fil afin d’annoncer du soleil pour demain.

            Le do s’y fit piéger stupidement.

                     La mésange le saisit dans son bec aussitôt. C’était la note de départ.

            Naïvement, la captive raconta l’odyssée des autres vagabondes. Elles furent happées, grâce à ces renseignements, l’une après l’autre.

                        Le mi

            s’était miré dans une goutte de rosée. Il en restait ravi.

                        Le si

            S’était assis

            sur une coccinelle.

                        Le la,

            très las, se reposait au creux d’une anémone rose.

                        Un autre do,

            badaud, aimable, farfelu, s’était bel et bien accroché au tulle d’un berceau et fredonnait « dodo » à un bébé rieur.

                        Le ré

            rêvait tout seul, un soir, au clair de lune.

 

            Ce fantastique butin suffisait amplement pour une chansonnette.

Nos artistes la composèrent le long des fils téléphoniques.

Il manquait une clef de sol : le moineau pilla un solfège.

 

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            Les choses qui naissent au beau temps connurent vite que le logis à l’âme quiète et au bon cœur avait un joli nom chantant.

            Tout l’été, dans la haie reverdie, à l’angle des corniches, sur les plus hautes branches, sous les sillons discrets, à l’unisson, hôtes restés l’hiver ou à nous revenus, virtuoses, ténors, délicieusement, dans le ravissement de l’aube et sur la paix du soir, tout être que portent des ailes, amoureusement, sifflait, gazouillait, stridulait, psalmodiait, orchestrait :

                                  

                                   « Domicile adoré ».

 

            C’est ainsi que la petite maison neuve, habitée par tant d’espérance, s’emplira peu à peu de touchants souvenirs.

 

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